Magasine Costes Palace, décembre 2005

Depuis vingt-trois ans, c'est chez lui que transitent les négatifs des plus grands photographes. Leurs clichés tapissent les murs de l'entrée de son studio du 2ème arrondissement. Sur chaque tirage, le photographe rend hommage au maître des lieux, "ami" et "complice". "Pour le génial Toros", peut-on lire au bas de londonderry de Christine Spengler. Prise en 1972, cette photo immortalise la joie d'une bande de gosses en marge d'émeutes sanglantes en Irlande du nord. L'image fera le tour du monde. Toros ne prend pas de clichés. Il les révèle. "Le photographe est comme un compositeur, explique-t-il. Moi, je suis là juste pour interpréter la partition en étant le plus fidèle possible." C'est avec la même humilité qu'il raconte son parcours comme succession de choix simples qui flirtent avec l'évidence et ce quelque chose qu'on appelle le destin. Celui de Toros Aladjajian commence en 1945 à Haïfa. Ses parents, tous deux orphelins du génocide arménien, choisissent de s'installer là, puis à Jérusalem dans le quartier arménien. Puis Toros connaît Londres et Paris. A l'âge de 15 ans, il découvre la photo. Sept ans plus tard, il intègre le studio Pictorial. Créé par Pierre Gassman au début des années 50, le laboratoire développe les clichés des grandes stars du photojournalisme : Cartier-Bresson, Capa et Koudelka. C'est pendant ces années de formation qu'il peaufine sa connaissance du noir et blanc. Aujourd'hui, il en fait son exclusive. "La lumière du noir et blanc m'inspire", explique-t-il, laconique. Dans petits écrits à propos de la boîte à image, Pierre Movila note : "La photographie, c'est un arrêt du coeur d'une fraction de seconde." Depuis Quarante-cinq ans, Toros fixe cet instant pour l'éternité."

VIRGINIE GUEDJ